Le groupe Phares
s'inscrit dans un programme de prévention de la rechute.
Une
première réunion nous a permis de faire connaissance. Nous étions
un groupe de 8 personnes : 5 hommes et 3 femmes. Une alcoologue et une infirmière
nous ont présenté l'objet du groupe: mettre en place des stratégies
afin d'éviter la rechute. Plusieurs d'entre nous n'avaient pas encore vraiment
décroché de la boisson. D'autres avaient déjà connu
plusieurs cures.
Nous
pouvions garder notre anonymat mais chacun s'est exprimé librement. Il
est vite apparu que chacun d'entre nous était différent. Par le
milieu social. Par notre relation à l'alcool. Par notre histoire. Certains
buvaient seuls, d'autres en groupe, au bar... Certains avaient déjà
réussi à s'arrêter. Certains prenaient des médicaments
d'autres pas. Certains avaient été lâché par leur conjoint
ou leur employeur.
Nous
étions tous en souffrance. Et avions tous connu des rechutes. Nous étions
tous dans le doute. Des différences mais aussi beaucoup de points communs.
Le programme pouvait commencer. Six thèmes principaux allaient être
abordés au cours des 12 semaines à venir:
- Savoir
refuser l'alcool
- Gérer
les pensées dangereuses
- Gérer
les critiques liées à l'alcool
- Gérer
les petites décisions apparemment sans conséquences
- Avoir
un plan d'urgence pour la gestion d'un faux pas
- Conseils
à l'entourage
- Savoir
refuser l'alcool:
Il
est difficile de dire "non" quand on a toujours dit "oui".
Auprès d'inconnus c'est encore assez facile. Mais auprès des amis,
voisins, collègues... qui savent qu'on ne crache pas dedans, c'est une
autre affaire.
Un film nous a présenté différentes situations
de la vie courante. Comment se faire piéger? Et comment résister?
Il
faut absolument être ferme. Répondre en regardant dans les yeux.
Et surtout éviter les faux prétextes. "Je ne me sens pas trop
bien aujourd'hui...". Il faudra mentir encore demain... Or on a assez menti.
Il faut être direct. "Non, merci, je ne prends plus d'alcool; un jus
de fruit si tu as...". Quitte à répondre ensuite aux questions
qui peuvent venir. De toute façon ça libère: chaque fois
qu'un ami est prévenu, il sait qu'il ne doit plus nous tenter.
- Gérer
les pensées dangereuses:
Pour
gérer les pensées dangereuses il faut d'abord savoir les reconnaître.
Puis trouver des moyens de réagir. Les pensées à risques
peuvent venir d'une dispute, d'une contrariété, d'un agacement,
d'un coup de fatigue. Mais aussi d'une envie de fêter un événement,
de trinquer avec les amis...
Il
faut alors avoir les bons réflexes: s'opposer à l'idée de
céder à la tentation; se rappeler les
effets bénéfiques de l'abstinence, et pour cela les avoir écrits
au préalable; penser à un souvenir désagréable lié
à l'alcool; quitter la situation,s'en aller; se donner un délai
(les envies sont généralement fugaces, comme un flash: au bout de
10 minutes c'est passé); téléphoner à un ami...
- Gérer
les critiques liées à l'alcool:
Il faut
avoir à l'idée que notre environnement a appris à ses dépens
qu'il ne fallait pas nous faire une confiance démesurée. Même
si nous avons changé, nos proches restent un long moment méfiants.
Et n'oublient pas toujours très vite. Un exemple: mon épouse s'est
un jour mise dans l'idée que le niveau de la bouteille de rhum restée
dans le placard (offerte par des amis, je n'ai pas voulu la jeter) que le niveau
donc avait baissé. Bon. Je savais moi que je n'y ai pas touché.
Mais comment la convaincre? Comment réagir face à une accusation
infondée? Le risque est de se dire que puisqu'on se fait accuser autant
savoir pourquoi! J'ai trouvé la force de répondre calmement que
je n'y avais pas touché. A elle de me croire ou pas. Tant pis. J'ai aussi
refusé qu'on la jette.
Pour d'autres les critiques peuvent être
différentes: "Au moins quand t'étais saoul, tu ne nous embêtais
pas...". J'ai eu la chance de ne pas entendre cela.
Par contre un élève
a sorti devant un surveillant à mon propos: "Moi je suis un élève
alors j'ai toujours tort, et lui il est alcoolique mais on lui donne raison".
Cela fait mal. Je n'ai pas répondu. J'ai laissé le surveillant gérer
la situation avec l'élève. Bien que blessé, j'ai gardé
mon sang-froid.
- Gérer
les petites décisions apparemment sans conséquences:
Il
arrive parfois qu'on prenne des décisions sans penser à ce qui peut
en découler. Je n'ai pas encore connu de situation qui m'ait mis en danger.
Le film qu'on nous a présenté raconte l'histoire d'un gars qui va
remonter le moral à un copain. Pendant son absence son épouse rentre
à la maison et ne le trouve pas. Elle craint alors qu'il ait replongé,
et appelle chez le copain. Son mari y étant, elle le soupçonne d'avoir
recommencé à boire. Finalement c'est ce qui arrive.
C'est bien
sûr un peu forcé. Plus prosaïquement il faut se méfier
de l'hyperactivité: lors de mon dernier sevrage j'ai débordé
d'énergie et de projets. S'en est suivi un coup de fatigue, et une rechute.
il convient donc de rester vigilant.
- Avoir
un plan d'urgence pour la gestion d'un faux pas:
Que
faire si par malheur on est victime d'une grosse tentation, voire d'un faux pas?
La réaction habituelle est de culpabiliser, ce qui entraîne généralement
un second faux pas, un troisième: bref la rechute. Tout est alors à
recommencer. Pour éviter cela deux moyens principaux: relire
la liste des bienfaits de l'abstinence; appeler d'urgence quelqu'un, un ami
sûr, au courant. C'est le Plan d'Urgence. Il s'agit de noter les coordonnées
de personnes fiables, en qui on aie confiance, au courant de notre combat, et
volontaire pour nous aider. En cas de problème, leur parler, aller les
voir... ne pas rester seul. Leur tâche est simple: nous rappeleer qu'on
est mieux quand on est abstinent, nous pousser à prendre contact avec l'alcoologue,
nous déculpabiliser.
J'ai inscrit 5 noms sur ma liste: Nathalie, Michèle,
Nolwenn, Laurence, et mon beau-frère. Je sais qu'ils sont là. Pour
le moment je n'ai pas encore fait appel à eux pour ce type d'urgence. J'espère
ne pas avoir à lefaire. Mais ils sont là au cas où.
- Conseils
à l'entourage:
Une
des dernières séances consistait à donner des conseils à
l'entourage du buveur abstinent. Les erreurs à éviter. Comment aider...
Nous pouvions inviter des proches. A condition qu'ils puissent se libérer.
Un des mes gars a pu venir. Une collègue de boulot, qui fait aussi partie
de ma liste d'urgence a souhaité participer. Tous deux m'ont donc accompagné.
Ils ont un peu mieux compris que l'alcoolique ne se fait pas plaisir en buvant.
Qu'il souffre réellement, dans sa chair et dans sa tête. Ils ont
aussi compris qu'ils pouvaient l'aider.
Quant à moi j'ai été
très touché de leur présence à mes côtés.
J'ai vécu cela comme un cadeau. Une preuve de confiance, un encouragement
formidable.
Durant
ces réunions nous avons appris beaucoup d'autres choses: un peu de sophrologie
(ou comment se relaxer); à faire des cocktails sans alcool; à partager
nos expériences, douloureuses ou pas. J'ai eu l'occasion d'inviter une
des participantes à nos réunions des "Amis de la Santé".
Et inversement j'ai poussé un participant aux "Amis de la Santé"
à s'inscrire au prochain groupe Phares. A mon tour je commençais
à aider les autres.
Je
me sentais mieux, mais tout n'est pas encore règlé. Car un phénomène
se fait jour à présent: mon "esprit" se trouve libéré.
Autrement dit, des choses enfouies dont je n'avais pas conscience remontent à
la surface. L'alcool me permettait de refouler des problèmes dont j'ignorais
l'existence, ou auxquels je refusais de faire face. Il va falloir les affronter.
Plus question de les cacher au fond de moi-même. C'est une nouvelle étape
qui s'amorce.